Les « Idola Fori » de la République démocratique du Congo (1) : Les « 4 millions de morts »

Les non-dits de la Communauté Internationale sur la RDC et ses conséquences sur la construction de la paix dans la Région des Grands Lacs

Juillet 2022

Il y a une tendance à considérer la Communauté International (CI) comme l’Occident, ignorant les sous-régions des pays du « Tiers Monde ». Ceci est particulièrement vrai pour l’Afrique et ses blocs régionaux. Toutefois, la CI n’est pas une unité douée d’une homogénéité des vues. En effet, elle est composée de différentes tendances à tel point que parler de la CI comme d’un facteur unitaire pourrait nous induire en erreur. Cependant, l’effort d’harmoniser les points de vue sur la République démocratique du Congo (RDC) se constate dans certains domaines et notamment lorsqu’il s’agit de la présenter comme une victime de ses voisins.

S’il est une perception partagée par une grande majorité des congolais, c’est l’auto-positionnement en tant que victimes. Le rôle joué par la République démocratique du Congo (RDC) à partir de 1994 au lendemain du génocide des Tutsis au Rwanda est méconnu autant que les rapports très étroits que le Zaïre de Mobutu entretenait avec le régime de Habyarimana, auquel, le Maréchal avait octroyé une superficie de 10 000 ha (dans le territoire de Lubero) encore occupée par les FDLR.

Les évènements qui sont la conséquence de l’entrée des Interahawme sont connus, mais les faits qui leur ont donné naissance sont devenu un détail de l’histoire. Comme l’accord du 1 er aout 2002 signé à Pretoria entre la RDC et le Rwanda, dans lequel le Rwanda s’engageait à retirer ses soldats du territoire de la RDC et la RDC aurait dû procéder dans les 90 jours à désarmer et rapatrier au Rwanda les FDLR….

Mais mis à part la reconstruction historique, ici nous voudrions attirer l’attention sur les discours de haine basés sur les supposés 4 millions de morts (on ne cesse de grossir le chiffre) de ce qui est appelé la deuxième guerre du Congo entre 1998-1994.

Nous nous référons ici à l’étude « Surmortalité au Congo (RDC) durant les troubles de 1998-2004 : une estimation des décès en surnombre, scientifiquement fondée à partir des méthodes de la démographie  1 » réalisée par André Lambert et Luois Lohle-Tart, deux démographes belges. Cette étude est née dans le cadre de l’enregistrement électorale (« enrôlement ») de la population congolaise qui a eu lieu en RDC en 2005-2006 en vue de la constitution du fichier des électeurs. A la demande de la Commission européenne, trois experts dont les deux démographes ont effectué un contrôle des procédures d’enregistrement.

Les experts ont procédé aussi à une reconstitution dynamique de la population par sexe et âge pour 1984 année du dernier recensement général de la population, ensuite depuis 1956. Vu le caractère sensible de cette reconstitution, la Commission européenne, selon les auteurs, avait demandé qu’un embargo empêche la divulgation des données relatives aux effectifs de la population pour l’année 2005.

Les auteurs ont respecté cet embargo, et ils n’ont publié aucun de ces données, mais ils ont publié les estimations des morts. Nous invitons les lectures à se référer au texte pour l’examen en détail des données, mais nous reportons ici les conclusions :

« ..Sachant qu’on est parti de 1992 – et non pas de 1998 – disons par facilité que le nombre de morts dus aux troubles est d’environ deux cent mille morts ». Cela n’est pas du tout une justification à la violence, comme disent les auteurs : « …si les troubles en RDC ont produit dans notre estime bien moins que quatre millions de morts, ce seront toujours des morts de trop ».

Ici, plutôt nous voudrons nous interroger sur les raisons pour lesquelles, tout en sachant cela, il y a eu une volonté de faire un embargo sur une partie de ces données, facteur qui a conduit à ne pas diffuser l’article auquel nous nous référerons, et à alimenter ce mythe de 4 millions de morts…. Nombre que d’année en année on fait progresser : dans son dernier discours à la Nation (30juin 2022), le Président Félix Tshisekedi a évoqué 10 millions de morts….

Nous rappelons ici que le Commissaire au développement et aide humanitaire de l’époque (du novembre 2004 au juillet 2009) était le belge Luis Michel le père de Charles Michel – l’actuel président du Conseil européen, ce qui fait que continuer la tradition…

Quel était et reste l’intérêt d’alimenter ce mythe ?

– Pouvoir permettre de dire à la RDC qu’elle avait vécu une crise plus grande et plus importante que celle du Rwanda ?

– Permettre au pays de continuer un discours de haine (aussi alimenté de manière très forte en particulier par un de 4 vice-présidents de la transition de l’époque, Abdoulaye Yerodia Ndombasi) ?

– Quel sont les conséquences de ce silence ?

– Est-ce que la CI est consciente d’avoir, par le biais de ce silence, alimenté une tensions inter ethnique et des violences meurtrières ?

1 http://adrass.net/WordPress/wp-content/uploads/2010/12/Surmortalite_en_RDC_1998_2004.pdf

ADA ROSSI


Posted

in

by

Tags:

Comments

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.